Le Rêve comme Lieu et Moyen de Résilience et Résistance
Où allons nous quand nous dormons ? Je vous fais visiter quelques uns de mes lieux !
Kaixo ! Ici Karlota Arba Strega. Dans Le Pied Gauche d’Orion j’écris sur mes réflexions, recherches et expériences personnelles autour de l’animisme et la sorcellerie. Mon but est de réenchenter ta vision du monde et t’ouvrir à des nouvelles façons de voir les forces invisibles qui nous entourent. Si tu apprécies mon travail, abonne-toi gratuitement à ma newsletter, tu auras accès à tous mes écrits depuis 2017 !
Chapitre 1 - Rêveries.
Où allons nous quand nous dormons ? Les rêves sont ils un lieu en nous, ou un endroit où nous voyageons la nuit ? Sont-ils simplement le monde réel, dans son aspect nocturne, derrière un voile que les personnes éveillées ne peuvent voir ? Sommes nous dans nos rêves ou sont ils en nous ? Qui sommes nous dans ceux-ci ?
Je pourrais vous faire une tirade sur les mécanismes cognitifs et autres explications neurologiques pour exposer la science des rêves, le problème c’est que la science nous explique le comment, et non pas le pourquoi. Et moi, ce qui m’intéresse, c’est le pourquoi, même si il reste sans réponse.
Cet épisode qui était censé être une vidéo sera un podcast, car je pense qu’il ne mérite que les images que vous saurez créer dans votre imagination à l’écoute de celui-ci. Celles de vos propres rêves. Dans cet épisode donc, je ne vais pas vous parler de ce que sont les rêves, où comment en provoquer des lucides. Je vais vous parler de quelques uns de mes voyages. De ma magie en rêves, de ce que, depuis que je suis enfant, me transporte la nuit, et à été la source, de toute mon expérience magico-sorcière, oraculaire et spirituelle. Je vais vous raconter certaines de mes visions, et de ce que je pense nous y emporte la nuit : notre double
Chapitre 2 - Songe d’une nuit d’été
Je me souviens encore comme si c’était d’hier de mes cauchemars d’enfant. J’ouvre les yeux et je suis dans le noir. Dans l’obscurité la plus totale et la plus épaisse, tellement, que je la sens m’envelopper tel un manteau de velours. Je cherche la lumière, les objets de ma chambre, mais je ne touche que des mains et des visages que je soupçonne sourient face à ma peur et mon incertitude.
Au loin, j’entends les étoiles et la mer, et pourtant, je sais que je suis dans ma minuscule chambre. J’appelle ma mère, mais personne ne répond, et sans les voir, je les sens, ces yeux que je retrouverais dans chaque rêve initiatique, du long chemin que je vais devoir parcourir tout au long de ma vie face à mes voyages nocturnes.
Adolescence -
Je suis dans mon lit et j’entends un corbeau taper contre la vitre de ma fenêtre. Je me lève pour le chasser et me rendormir mais il refuse de partir, et en ouvrant le volet je le vois grandir, de plus en plus, et continuer de taper à la fenêtre avec son bec inlassablement, avec ses croassements horribles et terrifiants. Il finit par briser la vitre et rentrer dans ma chambre dans une envolée qui ne fait que le rendre encore plus immense, et je me réfugie sous le bureau pour échapper à son bec et ses hurlements. Il a tellement grandi qu’il ne rentre à peines dans pièce et ses yeux font maintenant la taille de ma tête, je finis par m’y voir dedans tel un miroir noir de mon âme. En voyant mon reflet, je me réveille. On venait m’annoncer la mort d’une partie de moi, et elle est arrivé.
La vingtaine -
Il fait jour, et il fait bon. C’est le printemps. Je marche seule dans une longue canopée d’arbustes qui semblent être des lilas, desquels je prélève les fleurs d’un bleu que je n’ai jamais vu. Je les mange en marchant et leur gout est si délicieux qu’il fait briller les feuilles que je caresse. Soudain, j’aperçois à ma gauche un espace circulaire, au fond duquel un banc vide semble m’attendre. Je m’y assois, et attends comme j’attendrais le bus, seulement sous cette magnifique canopée. Je me sens merveilleusement bien, comme si je venais de sortir d’un plongeon dans la mer, je flotte.
À mes pieds tout à coup, je sens la terre remuer, et j’entends un grognement. Je n’ai pas peur mais je ne comprends pas ce qu’il se passe, et c’est alors qu’une énorme gueule de loup noir m’attrape la cheville droite et commence à me mordre. Je tire ma jambe pour faire sortir l’animal sous terre, il ne me fait pas mal, il es simplement enragé. J’arrive à faire sortir un loup noir gigantesque, deux fois plus grand que moi, qui se tord au sol. Je comprends qu’il est malade et je m’allonge contre lui, en posant mes mains sur son flanc avec tout mon amour. Au bout d’un moment il se tranquillise et se lève, me sourit et me dit : Merci Karlota, tu m’as soigné. Puis repart doucement sous la canopée. Je me réveille avec la sensation qu’on me faisait passer une étape entre les mondes, et les expériences qui en ont suivi dans ma vie après ce rêve me l’ont confirmé.
L’année dernière -
Je m’endors une après midi à la rivière, et je rêve pendant un très court instant, qui ne semble même pas être un rêve d’ailleurs, mais plus d’un demi sommeil de sieste d’après midi, que je me vois moi, face à moi même, si près que je pourrais m’embrasser, avec ces yeux, et ce sourire, que j’ai déjà vu, de nombreuses fois au cours de ces dernières années. Et soudain cette personne qui n’est autre que moi-même me dit entre ses dents : Je connais ton secret.
31 Juillet 2019, Nuit des Mazzeri
Il fait nuit, et il y a tellement de brume que le monde est en noir et blanc. J’avance dans les nuages en ayant l’impression de ne pas avoir de corps, de voler tel un esprit. Soudain, je les vois : Deux enfants déguisés en guerriers, avec des arcs et des flèches, ils sourient sans me regarder, mais je sais qu’ils me voient. Leurs yeux sont les miens, en amande, presque trop, presque surnaturels, ils lèvent leurs arcs et me montrent ce qu’ils protègent : L’arbre immense, noir. Tellement immense que je n’en vois pas le sommet, la brume le traverse, et je commence à entre-apercevoir ses branches. Elles bougent, elles agrandissent et rétrécissent, elles dansent, et c’est alors que je comprends que ce ne sont pas des branches, mais des bras, des bras humains, qui essayent d’attraper le vide, qui veulent sortir de l’arbre, ce sont des âmes, dévorées par la danse du portail du tronc de ce chêne.
Je me réveille, je suis dans mon lit, mais je ne peux pas bouger. En face de moi, des pierres aux formes de visage me fixent, et au centre, une figure humaine avec un masque de chat et une cape me dévisage un bâton de marche à la main. Je n’ai pas peur, je sais qui ils sont, je sais qu’ils ne peuvent pas me faire de mal, mais qu’ils viennent me prévenir qu’ils me voient, eux aussi. Je me réveille réellement enfin. J’allume la lumière, et la chambre est vide, mais ils étaient là.
Chapitre 3 - Les âmes voyageuses
Pendant très longtemps, j’ai cru, dans mes voyages en rêve, dans les visions et expériences que je vivais endormie, que j’étais sincèrement dérangée. En me réveillant, je me disais, mais pourquoi tu rêves de choses comme ça, pourquoi tu fais des choses comme ça en rêves ? La personne qui prenait ma place la nuit, je ne la reconnaissais pas. C’était « l’autre » et pourtant, c’était bien moi !
Ce n’est qu’il y a quelques années que j’ai été introduite au concept du double, du double spirituel, parfois appelé le double astral, grâce à Julia Semproriana de Occvlta, et Mari Laharra de Above all The Brambles, dont je vous recommande vivement le travail. Lors d’un des ateliers de Julia à Barcelone, elle nous expliquait qu’au moyen âge, les sorcières n’étaient pas des personnes incarnées, mais des esprits nocturnes. Et que la conception des sorciers en tant que personnes humaines a commencé avec les accusations de sorcellerie et donc la chasse aux sorcières.
C’est là que j’ai été introduite au concept du double spirituel. Il se trouve, que jusque il n’y a pas si longtemps que ça, la plupart des cultures européennes, même les catholiques, croyaient que l’âme était divisée en trois. Il y avait l’âme qui donnait le souffle de vie corps, notre énergie vitale pour ainsi dire, qui mourrait en même temps que notre enveloppe physique. Puis notre âme osseuse, qui continuait de vivre dans notre squelette après notre enterrement, jusqu’a notre désintégration et qui passait à la terre après ceci, et finalement notre DOUBLE, une âme capable de sortir de notre corps la nuit, pour voyager et dans le monde des rêves; et dans la réalité.
Nous retrouvons cette conception chez les Scandinaves, mais aussi chez les Hawaiens, et je suis certaine chez beaucoup d’autres peuples. Cette croyance est en fait, une des bases universelles de l’animisme et de ce que l’on appelle aujourd’hui le chamanisme.
En fonction des cultures, on pense que ce double spirituel est notre guide, parfois qu’il passe de génération en génération, comme esprit tutélaire d’une famille, parfois qu’il se transforme en animal, le fameux familier des sorcières, et parfois qu’on en a plusieurs, des bons et des mauvais, et pour cela je vous invite à lire Fées, sorcières et Loups Garous de Claude Lecouteux.
Les Scandinaves le nomment FYLGJA, les anglo-saxons le FETCH, les germains parfois doppelganger. Avec l’effacement des croyances païennes, nous avons perdu le nom propre de ce concept en France, mais en Corse il s’approche beaucoup de ce que l’on raconte des Mazzeri.
Les croyances et théories sont diverses et variées, et je ne suis pas en position de vous en faire un cours magistral détaillé sur le sujet, mais je vous y invite à vous y intéresser, pour trouver des réponses sur vos propres expériences en rêves, car cela pourrait en expliquer plus d’une.
Chapitre 4 - Reprendre possession de sa vie nocturne
Cela ne vous frappe t’il pas, que nous passions quasiment la moitié de notre vie à dormir, et que l’on donne une si petite importance à nos rêves dans notre culture ? Tantôt considérés comme la poubelle de l’inconscient, tantôt comme une suite de réactions électro-chimiques du cerveau, nous reléguons ces expériences au silence et à l’oubli, sans penser qu’elles sont peut-être la clef et la source de notre rapport à l’invisible, voir des véritables portails vers les autres mondes.
Aujourd’hui, j’ai envie de vous inviter à les voir autrement, à VOUS voir autrement, à trouver la potentialité et la puissance de vos aptitudes psychiques à travers le rêve.
Peter Gray, dans Apocaliptic Witchcraft nous dit «Nous devons reconnaître que quelque chose de sinistre a sculpté le paysage du rêve. Le monde du rêve est en train de devenir aussi pollué que le monde naturel, aussi spolié. Comment pouvons nous rêver, alors que notre vocabulaire des symboles a pris la nuance de la novlangue ? La sorcellerie nous demande de rêves les rêves interdits »
Que vous inspire cette citation ? En comprenez vous son message ? Peter Gray essaie de nous faire comprendre qu’en effaçant la culture du rêve, qui autre fois était aussi importante que celle de la réalité dans les sociétés pre-catholiques, les pouvoirs en place du capital essaient de nous priver de nos potentialités les plus primaires, de notre connexion aux plus hautes formes de vie sauvage, notre connexion aux esprits de la nature, desquels, sans le savoir, nous faisons également encore partie. Grâce à notre double, notamment.
Aujourd’hui je vous propose donc, de résister oniriquement. De rendre sa place à votre vie nocturne en la reconsidérant telle qu’elle est : une porte vers l’au delà et donc vers la liberté.
Je sais que vous attendez peut-être de ma part des méthodes, des recettes, des rituels, mais tout ceci ne peut-être fait que par vous mêmes, que par vos propres expériences et vos découvertes personnelles et vos essais et vos erreurs qui vous mèneront vers les formes les plus uniques de communication avec votre âme, ou avec vos âmes plutôt. Et c’est vraiment ce que je vous souhaite.
Alors allez-y, et rêvez.
Toutes les illustrations proviennent de Tin Can Forest
©Karlota Alevosia Août 2020